« L’entreprise, c’est avant tout un groupe d’hommes réunis pour atteindre un but commun, par une action coordonnée. »
Henri Fayol Tweet
Cette citation m’est revenue en tête après avoir lu un post cette semaine opposant les KPI à la relation humaine, comme si mesurer signifiait forcément déshumaniser.
C’est une confusion fréquente — et dommageable.
Un indicateur bien défini n’est pas une contrainte. C’est un repère partagé, qui aide les équipes à comprendre ce qui compte, où l’on va, et comment contribuer à un objectif commun.
L’entreprise est une organisation humaine, mais aussi un lieu de coordination, de décisions et de responsabilités. Elle n’est ni une somme de tâches, ni un lieu de contrôle aveugle.
C’est une structure humaine, tournée vers un projet collectif.
📌 Dans ce cadre, les indicateurs ne sont pas là pour surveiller — ils sont là pour orienter. Et bien utilisés, ils peuvent même protéger les équipes, en limitant les zones grises et en prévenant certaines dérives managériales.
I. Suivre des chiffres ne suffit pas
Dans beaucoup d’entreprises, les seuls indicateurs utilisés sont ceux fournis par défaut : chiffres issus de l’ERP, de la comptabilité, ou des tableaux Excel.
Mais ces chiffres racontent rarement l’essentiel.
- 👉 Ils mesurent le passé, pas la dynamique.
- 👉 Ils sont produits, mais rarement lus collectivement.
- 👉 Ils sont financiers, mais peu reliés à la réalité de terrain.
Prenons un exemple : Une entreprise suit son chiffre d’affaires par produit. Mais elle ne suit ni la marge nette, ni le coût de la non-qualité, ni la satisfaction client. Résultat : des décisions de développement sont prises… sur des bases partielles.
II. Un indicateur sert à piloter un objectif, pas à tout mesurer
La première question à poser n’est pas : « Quel KPI faut-il ? » Mais : « Quel est l’objectif que nous voulons piloter ? »
Quelques exemples concrets :
- Rentabilité par client (objectif : prioriser les efforts commerciaux)
- Charge par collaborateur (objectif : prévenir la surcharge ou le désengagement)
- Délai d’intégration d’un nouveau collaborateur (objectif : améliorer l’onboarding)
- Taux de transformation d’une proposition commerciale (objectif : affiner l’offre)
- Satisfaction collaborateurs par équipe (objectif : mieux manager)
👉 Un bon indicateur part d’un besoin clair de décision, pas d’une donnée disponible.
III. Deux indicateurs pour chaque enjeu : résultat + action
Pour piloter utilement, je recommande de structurer les indicateurs en deux niveaux :
- Indicateur de performance : il mesure un résultat final (taux de marge, satisfaction client, productivité, climat social…)
- Indicateur de pilotage : il mesure une action-clé qui influence ce résultat (nombre de relances client, fréquence des points managériaux, % de formation suivie…)
Par exemple : 🎯 Objectif = Réduire le turnover
- → Indicateur de performance = Taux de départs non souhaités
- → Indicateur de pilotage = Taux de réalisation des entretiens d’évolution à 6 mois
Ce binôme permet de relier les actions du quotidien aux résultats stratégiques. Et de piloter avec précision, pas juste en réaction.
IV. Intégrer la dimension sociale et humaine dans le pilotage
Les indicateurs sont souvent vus comme réservés à la finance ou à la production.
Mais ils peuvent — et doivent — servir aussi à piloter le facteur humain au-delà des obligations légales.
Exemples d’indicateurs à forte valeur :
- % de collaborateurs formés aux compétences clés
- Score de qualité managériale (enquête interne trimestrielle)
- Indice de bien-être au travail
- Ratio jours d’arrêt / effectif
- Taux de cooptation dans le recrutement
- Fréquence des feedbacks dans une équipe
👉 Ces mesures donnent des repères pour renforcer l’engagement, l’autonomie, et la qualité de vie au travail.
Elles permettent aussi à la direction de détecter plus tôt les déséquilibres managériaux.
V. Structurer un tableau de bord équilibré : la méthode BSC
La Balanced Scorecard (Kaplan & Norton) est une méthode utile pour construire une vision complète.
Elle repose sur quatre axes interdépendants :
- Finance : rentabilité, marge, coûts, trésorerie
- Clients : satisfaction, fidélité, valeur perçue
- Process internes : qualité, délais, fiabilité
- Capital humain & innovation : compétences, bien-être, capacité d’évolution
En structurant vos indicateurs autour de ces piliers, vous créez un système de pilotage :
✔ complet ✔ lisible ✔ aligné sur vos enjeux stratégiques
Et surtout : vous évitez de piloter uniquement par le financier — ce qui fragilise à terme votre performance globale.
🔚 Conclusion — Redonner toute sa place au pilotage, au service de l’humain et de la performance
Les indicateurs ne sont ni des gadgets techniques, ni des outils de contrôle social. Lorsqu’ils sont définis avec rigueur et alignés sur la réalité de l’entreprise, ils deviennent des repères puissants — pour les dirigeants comme pour les équipes.
Ils permettent de :
- clarifier les priorités,
- relier les actions au sens stratégique,
- objectiver les décisions,
- et prévenir les déséquilibres, qu’ils soient économiques ou humains.
📌 Un indicateur pertinent éclaire, sans enfermer. Il structure, sans rigidifier. Il aligne, sans opposer.
C’est ainsi qu’il devient un véritable levier de cohérence, à la fois au service de la performance durable et du bien-être collectif.
Car piloter une entreprise, c’est conjuguer exigence et clarté. Et dans ce cadre, mesurer ne déshumanise pas. Mesurer, c’est prendre soin.